MÉMORANDUM DU GERFA (MAI 2009)

Première partie

Fonction publique francophone à réorganiser et à reconstruire









I. Introduction


On pouvait espérer que les Parlements et Gouvernements issus des dernières élections régionales allaient mener une autre politique et s’inscrire en rupture avec les pratiques détestables de l’État fédéral.

Il n’en est malheureusement rien, au contraire même, puisque la politisation des fonctions publiques régionales et communautaire culmine à des niveaux jamais atteints, particulièrement à l’occasion de l’introduction des mandats en Région wallonne et en Communauté française. On assiste donc à un véritable verrouillage des administrations, essentiellement au profit du P.S.

Il s’impose maintenant de faire l’état des lieux et de remettre sur le métier les options que le GERFA défend inlassablement pour les services publics en général et dans ce cas pour les services publics des entités fédérées.

Certes, le GERFA ne limite pas son examen au seul statut du personnel. Il porte également sa réflexion sur le fonctionnement du service public et des institutions fédérées.

Dans cette optique, le GERFA peut apporter sa capacité d’analyse des causes structurelles des « dysfonctionnements » constatés, ainsi que des propositions précises et concrètes permettant des réformes de fond.

Fort de l’indépendance matérielle et morale de son organisation et de la compétence collective de ses membres présents dans tous les secteurs du service public, le GERFA n’exclut à priori aucun domaine de la vie publique de ses préoccupations, à condition que les positions à prendre soient fondées sur un examen sérieux sanctionné par un débat démocratique.

Trois options de base guident son action :

  1. Il faut mettre un terme à la politisation partisane des services publics (ministères, parastataux et pararégionaux, services communaux, enseignement, magistrature, services de police, A.S.B.L. subsidiées, etc.) au moyen de:

  2. — réformes des carrières mettant en pratique les principes simples que le GERFA a élaborés avec ses membres répartis dans tous les services publics ;

    — création d’Écoles d’administration, de magistrature, etc.

  3. Les remèdes aux maux dont souffre le service public ne résident pas dans la privatisation, mais dans sa volonté des se réformer lui-même. Le service public doit viser cette forme supérieure de rentabilité qu'est l'efficacité sociale. II peut certes apprendre du secteur privé, mais n'a pas de leçon à en recevoir.

  4. Pluralisme n'égale pas neutralité. L'État et les services publics sont aujourd'hui, à juste titre, critiqués de toutes parts. On leur reproche leurs structures archaïques, leur gestion déficiente et leur politique budgétaire.

Les agents des services publics eux-mêmes ne sont pas épargnés : leur « image de marque » auprès du citoyen est défavorable. On met en cause non seulement le cout qu’ils représentent pour la collectivité face aux services qu’ils lui rendent, mais encore l’inertie, l’irresponsabilité ambiante, la pénalisation de l’initiative et le cancer proliférant du clientélisme partisan.

Pour le GERFA, ces critiques souvent justifiées trouvent leur origine, non dans la paresse ou l’incompétence supposée de tel ou tel agent, mais dans des structures confiant quasiment tous les leviers de décision à des personnes sélectionnées selon leur allégeance à tel ou tel pilier, parti, syndicat, homme politique local, président de parti, etc., indépendamment du principe d’égalité de tous les citoyens devant les emplois publics (article 10 de la Constitution), et des plus élémentaires vérifications de compétences, ainsi que dans des réformes bureaucratiques et complexes qui empêchent un fonctionnement efficace des structures administratives et qui entrainent une suradministration inutile, voire parasitaire et le recours à de multiples consultants privés voulant imprimer au service public une culture et un fonctionnement inadéquats.

Déjà en 1981, lorsqu’il s’était constitué autour de quelques fonctionnaires de ministères et parastataux, le GERFA était conscient de ce malaise et souhaitait y remédier.

Il s’adresse à présent aux agents des services publics de toutes catégories et de tous niveaux, en ce compris le personnel de l’enseignement, des communes, de l’ordre judiciaire, des forces de police, et ambitionne un rôle de mouvement politique — dans la mesure où il aspire à un meilleur gouvernement de la Cité — qui se veut pluraliste, dans sa composition comme dans ses pratiques.

Le GERFA ne se contente pas de critiquer, mais s’efforce de faire des propositions constructives, pratiques, qui deviendront réalistes lorsqu’un large mouvement de citoyens, relayé par leurs représentants politiques, s’en emparera et exigera une réforme de fond, bien pensée, appliquée avec rigueur.

Depuis un demi-siècle, le clientélisme partisan, qui confie à des structures privées, intégrées aux partis et aux syndicats traditionnels, la gestion de la chose publique ainsi que des emplois qu’elle procure, n’a fait que se développer et se professionnaliser, suscitant la création et le développement parasitaire d’un ensemble de structures occultes — mais dont l’existence est connue de tous — parallèle aux organes et procédures officiels dans cesse contournés et biaisés.

Une association de quelques milliers de membres et sympathisants, aussi capable soit-elle, ne peut prétendre renverser un tel système à elle seule, surtout si elle prétend se placer dans le cadre d’un système démocratique


II. État des lieux


A. La Communauté française


1. Le Gouvernement

Le moins que nous puissions constater, c’est que le bilan de la Communauté française n’est guère positif. La législature a en effet très mal commencé, puisque la coalition socialiste-humaniste a constitué un gouvernement pléthorique — sept ministres ! —, doté d’une dizaine de cabinets représentant un effectif de plus de cinq cents personnes. Le cout des cabinets de la Communauté a atteint le chiffre de 30 millions sur une base annuelle et de 150 millions d’euros pour l’ensemble de la législature, à quoi il faut ajouter les intérêts, puisque la Communauté est en déficit, et toutes les dépenses plus ou moins camouflées dans les budgets de l’administration, ce qui fait une ardoise minimale de 200 millions d’euros. Tout ça pour l’entretien de structures parasitaires qui doublent l’administration, renforcent le lotissement et lui servent de relais.

Le GERFA tient néanmoins à saluer une évolution positive qui doit être pérennisée : le gouvernement de la Communauté française, matrice de la future fédération Wallonie-Bruxelles, est composé majoritairement de ministres régionaux. Pour renforcer la communauté de destin entre la Wallonie et Bruxelles et la synergie des politiques, le GERFA préconise que le dispositif suivant soit dorénavant de règle :

— le ministre-président de la Région wallonne dirige le gouvernement de la Communauté française ;

— la vice-présidence est assurée par un ministre régional bruxellois ;

— les compétences stratégiques et transversales (finances, fonction publique, relations internationales, recherche scientifique, formation professionnelle/emploi) sont exercées par le même ministre à la Région wallonne et à la Communauté française sans recours à des cabinets supplémentaires.


2. L’administration


2.1. Les mandats

En 2002, le ministre socialiste DEMOTTE a lancé à grand bruit une réforme de la haute administration, en déclarant aux médias médusés que, désormais, les fonctions de direction seront conférées par mandat et que la désignation des mandataires s’effectuera sur une base strictement objective, puisque les candidats-mandataires devront obtenir préalablement un brevet de management, décerné après une période de formation et des examens particulièrement sélectifs.

DEMOTTE a menti sur toute la ligne : les fonctionnaires généraux en place ont été réputés détenir le fameux brevet, la plupart d’entre eux ont été revêtus d’un premier mandat et pour les quelques mandats finalement déclarés vacants, la possession du brevet n’est pas requise... puisque la procédure de leur attribution a été suspendue... Les fonctionnaires généraux primomandatés n’ont pas perdu au change, puisqu’une prime confortable leur a été versée, prix de l’« objectivité » de leur nomination et de leur assujettissement à leur parti. Après cette opération, on peut affirmer que le lotissement de l’administration de la Communauté française a été véritablement institutionnalisé et verrouillé pour une bonne vingtaine d’années, à tel point que l’on se demande si elle peut encore garantir les intérêts et les droits de l’ensemble des citoyens qui ne coïncident pas nécessairement, cela va sans dire, avec ceux des appareils socialiste et libéral et de leurs affidés.

Mais l’opération de « brevetage », même dans sa version allégée, n’a pas été menée à bien à la suite de difficultés juridiques et administratives.

La désignation des mandataires a donc été remise sur le métier et la Communauté française a décidé d’en confier la sélection à SELOR, sur la base d’examens ponctuels. Pour faire bref, les candidats sont invités à passer une épreuve écrite sur la fonction et un entretien au terme duquel SELOR établit une liste de candidats transmise au Gouvernement qui choisit le mandataire.

Cette sélection lapidaire ne nous semble guère efficace, car il est extrêmement difficile de sélectionner les chefs d’administration sur la base de deux examens réduits. Par ailleurs, le Gouvernement n’est pas obligé de nommer et il ne s’en prive d’ailleurs pas. Si la liste des candidats ne lui convient pas, il fait recommencer la procédure jusqu’à ce que le candidat souhaité apparaisse. Le résultat est d’ailleurs clair puisque le nombre de candidats se réduit de plus en plus, tellement les dés paraissent pipés.

Ce système, outre le fait qu’il est hypocrite, n’atteint pas ses objectifs, à savoir la sélection objective de chefs d’administration compétents.


2.2. L’Aide à la Jeunesse

Dans le dossier de l’Aide à la jeunesse, la Communauté française a franchi un pas supplémentaire dans le lotissement, puisque son parlement a voté à l’unanimité de ses membres présents un décret permettant à des agents contractuels politisés de cette administration, exerçant les fonctions de directeur, conseiller, conseiller adjoint et directeur adjoint, et à eux seuls, de poser leur candidature à leur poste en vue d’une nomination définitive. De mémoire du GERFA, jamais un tel cynisme, un tel mépris de l’État de droit et du principe d’égalité n’avaient été atteints pour nommer des agents dont la nomination avait déjà été annulée par le Conseil d’État en 1994.

Heureusement, par son arrêt n° 96/2005 du 1er juin 2005, la Cour constitutionnelle a annulé le décret du 19 novembre 2003 et les nominations contestées ont été retirées. Il n’empêche que les agents engagés en ’90, annulés en ’94 et renommés sur la base du décret sont toujours en fonction sous le régime du contrat et que l’un d’eux, Liliane BAUDART, a été nommée par mandat directrice générale de l’Aide à la Jeunesse !


2.3. Le plan API

Le plan stratégique API « Agissons, Progressons, Innovons ensemble », lancé par le nouveau secrétaire général -parachuté de la direction de l’Institut Emile Vandervelde à la tête de la Communauté française !-, ne convainc pas. Sa première étape consiste en effet à recruter une cinquantaine de contractuels, comme si l’administration de la Communauté française et ses multiples cabinets ne disposent pas d’assez de personnel. Ce plan API ne s’inscrit donc pas dans une administration renouvelée, mais renforce au contraire les mauvaises habitudes d’une administration politisée qui recourt systématiquement aux contrats.


B. La Région wallonne


1. Le Gouvernement

La Région n’a guère rompu avec sa tradition de gouvernements pléthoriques puisque pas moins de huit ministres (neuf lors de la constitution) ont présidé à sa destinée, épaulés par plus de 600 membres de cabinet ! Cette inflation de personnel politique et de cabinets non seulement coute très cher au contribuable wallon (150 à 200 millions d’euros sur l’ensemble de la législature), mais grippe le fonctionnement de l’administration dont la productivité s’en ressent fortement.


2. L’administration


2.1.
Les contractuels

La Région wallonne a pratiquement doublé ses effectifs en douze ans sans que les services au citoyen wallon et à la collectivité n’aient augmenté en proportion. Pire, cette augmentation d’effectifs a surtout pris la forme de recrutements massifs de contractuels, pour la plupart politisés et devant leur emploi à un quelconque baron du régime.

Certes la Région avait organisé les examens mammouth pour tenter de mettre fin au régime des contractuels et surtout pour les régulariser, mais le processus enclenché fut extrêmement lent et très protecteur des droits mal acquis des contractuels. De plus, le choix opéré par le gouvernement précédent n’était surement pas le meilleur au niveau de l’efficacité administrative : encore une fois, le recrutement de fonctionnaires pour une période de vingt à quarante ans doit être une entreprise soignée et précise en fonction des besoins des services et non une sorte de travail à la chaine où les épreuves de sélection s’apparentent de près ou de loin au « trivial poursuit » !

Lors de la réforme de mars 2009, la Région a franchi un nouveau pas en constituant, pour ses milliers de contractuels, un début de carrière pécuniaire ; cette nouvelle initiative ne réduira pas la masse des contractuels et pourrait même contribuer à l’augmenter.


2.2. Les mandats

La désignation des mandataires a été remise sur le métier et la Région wallonne a décidé d’en confier la sélection à SELOR, sur la base d’examens ponctuels. Pour faire bref, les candidats sont invités à passer une épreuve écrite sur la fonction et un entretien au terme duquel SELOR établit une liste de candidats transmise au Gouvernement qui choisit le mandataire.

Cette sélection lapidaire ne nous semble guère efficace, car il est extrêmement difficile de sélectionner les chefs d’administration sur la base de deux examens ponctuels. Par ailleurs, le Gouvernement n’est pas obligé de nommer et il ne s’en prive d’ailleurs pas. Le résultat est d’ailleurs clair puisque le nombre de candidats se réduit de plus en plus, tellement les dés paraissent pipés.

Ce système, outre le fait qu’il est hypocrite, n’atteint pas ses objectifs, à savoir la sélection objective de chefs d’administration compétents.

Comme à la Communauté française, la politisation de la Haute fonction publique wallonne a pris des proportions incroyables ; avec près de 80% de postes attribués, le P.S. exerce une mainmise quasi totale sur l’administration wallonne.


2.3. Le code modifié

Le code de 2003 n’innovait guère, à l’exception notable des mandats, et pouvait dès lors s’apparenter à une sorte de coordination ; on peut d’ailleurs s’étonner qu’il ait fallu tant de temps pour le sortir. Il n’empêche que la réunion d’une série de textes épars était a priori positive et permettait une meilleure appréhension du statut du personnel wallon. Même si le code n’est guère novateur, il ne s’engageait pas dans les chemins farfelus de la réforme COPERNIC à l’État fédéral ou encore dans les bricolages de la Communauté française. C’était donc un texte sérieux. En ce sens, donc, le bilan n’était pas négatif.

Par contre, la réforme de 2009 est particulièrement malheureuse à un triple point de vue.

D’abord, elle complique à l’envi les procédures de promotion en instaurant pas moins de trois examens pour l’accession aux emplois d’encadrement (D1, C1, B1, A5) ; ensuite, elle remet en question le droit légitime, acquis sur la base d’examen sérieux, des agents D2, C2 et B2 pour l’accession au grade supérieur ; enfin, elle instaure une carrière administrative et pécuniaire pour les contractuels. De plus, on peut considérer que la réforme de 2009 s’inspire largement de la réforme COPERNIC sous l’influence de consultants privés qui lui sont acquis et à un moment ou la réforme COPERNIC se révèle un échec cuisant à l’Etat fédéral.

Alors que le statut du personnel de la Région wallonne s’était inscrit jusqu’en 2003 dans une conception classique, la nouvelle mouture du code rompt avec le passé et produit un énorme système bureaucratique de formation, de sélection, etc.

La simplification de l’administration wallonne est donc remise à plus tard, le temps de dresser un bilan sur la mauvaise réforme.


2.4. Le S.P.W.

De nouveau, la Région wallonne a copié l’Etat fédéral en adoptant l’appellation Service public de Wallonie pour désigner ses deux ministères.

Au delà de ce sigle qui ne signifie rien ou en tout cas qui n’apporte aucune plus-value, on doit déplorer la fusion contre nature des deux ministères (le M.R.W. et le MET) qui assument des missions distinctes.

Ce n’est pas la direction qu’il fallait prendre. Au contraire, si les compétences de la Région se renforcent, il fallait se diriger vers la création de nouveaux ministères centrés sur les compétences précises tout en allégeant cependant les structures de direction.


2.5. Les machins

Pendant cette législature, le Gouvernement wallon et le Parlement n’ont pas été inactifs et ils ont fait montre d’une créativité sans borne dans la création de machins de tous genres (Commissariat général au Tourisme après la Société wallonne de crédit social, le Commissariat à la simplification administrative, la cellule audit pour les fonds européens, sous la législature précédente), véritables réceptacles pour caser les amis, les camarades, ceux qui ont rendu des services, ceux qui ne peuvent plus en rendre. bref tout un monde parasitaire et clientéliste auquel les élus du peuple servent des rentes à vie avec les revenus de la collectivité. Cette pratique, ancrée dans le monde francophone, est inadmissible, altère considérablement l’image de la Région et rompt la relation de confiance et d’estime entre le citoyen et les institutions.


C. La Région bruxelloise


1. Un Parlement pléthorique

Dès 2004, le nombre de députés bruxellois a été augmenté de 14 unités et porté en conséquence à 89 unités et la répartition entre Francophones et Flamands a été figée à 72 pour les premiers et à 17 pour les seconds ! Cette décision, forcée par les partis flamands, est doublement contestable. D’abord, le parlement bruxellois comptait déjà suffisamment de membres (le même nombre dans une région d’un million d’habitants que dans la Région wallonne qui en compte trois millions trois cent mille, soit un rapport de un à plus de TROIS !) pour assurer la représentation correcte de la population bruxelloise dans ses deux composantes linguistiques, d’autant que la multiplication de mandats — très bien payés — est supportée in fine par les habitants qui n’en demandaient pas tant et d’autant que le parlement bruxellois ne fait guère preuve d’une activité débordante

Par ailleurs, le clichage du nombre de représentants flamands et francophones est une véritable gifle au système démocratique et au principe du suffrage universel (un homme, une voix) puisque, quels que soient le nombre de suffrages exprimés pour les candidats francophones et néerlandophones par l’ensemble des électeurs de la région bruxelloise, le nombre des mandataires est invariablement fixé respectivement à 72 et à 17 ! Il n’y aurait plus que 1000 Néerlandophones à Bruxelles qu’ils seraient toujours représentés par 17 députés sur 89 ! La minorité flamande de Bruxelles, qui est surement la minorité la mieux protégée du monde, n’avait pas besoin de ce nouveau privilège exorbitant et contraire au principe d’égalité pour assurer sa survie !

D'autres mauvaises réformes ne peuvent être exclues, d’autant que la situation financière de la région n’a pas été réglée structurellement et implique de constantes négociations financières qui sont toujours payées en termes d’avancées (pour les uns) ou de reculs (pour les autres) institutionnels. Enfin, n’oublions pas que les mécanismes de décision de la Région restent extrêmement lourds, puisque la loi spéciale lui impose cinq ministres et trois secrétaires d’État avec leurs cabinets respectifs, ainsi que la parité linguistique au niveau des ministres, le président excepté, sans parler de la multiplication des assemblées et exécutifs (les commissions communautaires) et des doubles majorités.

A cet égard, la proposition du Groupe Wallonie-bruxelles visant à supprimer la Commission communautaire commune et à transférer ses compétences à la Région est un pas dans la bonne direction qu’il convient de saluer.


2. L’emploi des langues et le cout du bilinguisme

Au niveau de l’emploi des langues dans l’administration, la situation reste préoccupante. Certes et contrairement aux communes bruxelloises, ce sont les principes applicables aux administrations centrales de l’État qui ont prévalu, soit l’unilinguisme des agents et le bilinguisme des services ; pour déterminer l’importance des cadres linguistiques, il fallait donc évaluer le volume des affaires traitées respectivement en français et en néerlandais et procéder au comptage des dossiers ; alors que d’un premier comptage et d’une première analyse, on pouvait conclure que la répartition se ferait à raison de 85% pour les dossiers F et 15% pour les dossiers N, le gouvernement bruxellois a conclu un accord politique et a fixé les cadres à raison de 70% pour le cadre français et 30% pour le cadre néerlandais en faisant l’impasse sur la règle imposant le comptage des affaires.

Dans plusieurs secteurs importants ((Administration, Service d’incendie et d’aide médiale urgente), le Conseil d’Etat a annulé les cadres linguistiques, obligeant la Région bruxelloise à remettre son évaluation sur le métier. On peut espérer cette fois que la répartition linguistique se fera sur la base d’une évaluation sérieuse du volume des affaires traitées respectivement en français et en néerlandais. Plus fondamentalement, le GERFA remet en cause les règles de la parité au niveau des emplois de direction, qui ne s’impose plus dans une Région à 90% francophone et qui constitue un privilège indu pour les agents du rôle linguistique néerlandais qui profitent d’un avantage de carrière disproportionné.

Il faut donc pour les emplois de direction adopter les mêmes règles que pour les autres emplois et établir la proportion entre F et N sur la base du volume des affaires. Cette demande implique évidemment une modification de la loi fédérale. Pour faire bref, la Région bruxelloise doit s’affranchir d’un bilinguisme lourd et qui ne correspond plus aux besoins de sa population.


3. L’accès à la fonction publique

Sous l’impulsion du secrétaire d’État à la Fonction publique, le socialiste flamand DELATHOUWER, le parlement avait voté une ordonnance permettant l’accès à la fonction publique bruxelloise aux étrangers non européens ou plus précisément indépendamment de toute condition de nationalité. Le GERFA a critiqué fermement cette ordonnance qui est manifestement contraire à la Constitution, d’autant qu’il n’en voyait pas l’utilité depuis l’assouplissement des conditions d’octroi de la naturalisation. La Cour d’arbitrage a été saisie du problème et a préféré ne pas se prononcer au fond en déclarant le recours irrecevable par défaut d’intérêt.

Le GERFA continue de penser que l’adoption de cette ordonnance constitue une faute juridique, indépendamment de la frilosité de la Cour d’arbitrage, mais également une faute politique dans la mesure où il ne voit pas pour quelle raison un habitant qui ne souhaite pas devenir belge ou dont la demande de naturalisation a été refusée pour des motifs d’ordre public puisse accéder à l’administration bruxelloise. Au nom du « politiquement correct », les parlementaires bruxellois ont surtout fait preuve de naïveté et de méconnaissance des règles en vigueur dans une administration publique.


4. L’administration

Dans le fonctionnement quotidien de son administration, la Région bruxelloise a fait moins de vagues que ses consœurs, la Communauté française ou la Région wallonne ! Il n’empêche qu’un système de primes particulièrement arbitraire et opaque a été instauré. Épinglons en particulier les primes dites d’excellence dont l’attribution très discrète par le conseil de direction ne peut que susciter la réprobation. La Région bruxelloise semble oublier que l’opacité ne va pas de pair avec un système de carrière et de statut et que les agents ont le droit de connaitre les heureux bénéficiaires des primes et surtout les motifs pour lesquels elles ont été attribuées.


5. L’Agence de stationnement

La Région bruxelloise a pris l’initiative de créer un nouveau machin pour gérer le stationnement sur le territoire des dix-neuf communes.

Si l’initiative d’organiser le stationnement et d’en uniformiser les règles en fonction d’objectifs régionaux est positive, par contre, la création d’un nouveau machin doit être condamnée, d’autant que la Région bruxelloise, par le biais de son administration des Déplacements, aurait pu assumer cette mission.

De plus, cette agence va prélever une dime importante sur les recettes des communes et entrainera des frais administratifs significatifs, sans compter évidemment les salaires des deux fonctionnaires dirigeants (1 F et 1 N !).

En outre, l’agence est créée sous forme d’une société anonyme de droit public, dont le capital sera souscrit par la Région à raison de minimum 81% et facultativement par chaque commune bruxelloise à raison de 1%.

Le choix de cette forme juridique doit être sévèrement condamnée, là où un service public organique devait être présent (ministère ou pararégional). De plus, la soumission de l’agence au code des sociétés entrainera une série d’obligations supplémentaires couteuses sans compter que la transparence comptable ne sera guère au rendez-vous.

Enfin, en ce qui concerne le recrutement du personnel, aucune règle n’est imposée dans l’ordonnance de création même s’il est prévu le recours à une mobilité optimale de fonctionnaires des administrations publiques, et on peut craindre que le statut qui sera établi par la suite par le Gouvernement ne réserve quelques surprises.


En conclusion, le fameux « modèle bruxellois » n’est pas en l’état très convaincant et a surtout permis la multiplication des mandats et la conclusion d’accords tarabiscotés, souvent au détriment des règles démocratiques et des intérêts des habitants de Bruxelles, dont la Région est au centre et donc l’enjeu de tous les compromis entre Francophones et Flamands. Par ailleurs, les ministres et parlementaires manquent manifestement de format et n’ont pas été capables d’imposer une gestion responsable, prenant en compte la place de Bruxelles comme région à part entière. Et pourtant, ce défi doit être relevé sous peine de voir le statut de la Région constamment renégocié et affaibli.


III. Pour une organisation efficace des services publics


A. Un statut légal pour les fonctionnaires


1. Un statut et non des contrats

— Le statut établi par la loi ou le règlement est général et s’applique de manière identique à tous les agents se trouvant dans la même situation.

— Tous les citoyens sont égaux devant l’accès aux emplois publics : le recrutement n’est tributaire que de la compétence et des capacités, sanctionnées en principe par la réussite d’un concours.

— Une fois sa nomination à titre définitif acquise lorsqu’il a satisfait à un stage dont la durée est limitée, l’agent a droit à la stabilité de l’emploi : il ne peut être mis fin à ses fonctions que dans les cas prévus par le statut, soit pour des raisons objectives (âge de la retraite, démission offerte, survenance d’une incompatibilité), soit par révocation disciplinaire ou par licenciement pour raison médicale ou d’inaptitude professionnelle, au terme de procédures réglées et contradictoires qui permettent à l’agent de faire valoir ses droits. Il est à noter que même la suppression d’un service public ou de ses missions en tout ou en partie n’entraine pas la perte de la qualité de fonctionnaire, mais sa « mise en disponibilité par suppression d’emploi » , en principe avec maintien du traitement et droit à la réaffectation dans un autre service public.

— L’agent a également un droit à la carrière (promotion) selon des critères objectifs (examen, ancienneté, comparaison des titres et mérites...) et des procédures réglées et contradictoires en cas de désaccord.

Ces conditions ne sont pas des privilèges, mais des garanties liées aux lois du service public, en particulier la continuité, l’universalité et l’accès égal au service, ce qui nécessite la stabilité des fonctions ainsi que l’indépendance et l’impartialité de ceux qui les exercent.

Ces principes sont battus en brèche par le recours massif aux contractuels et par la décision du Gouvernement wallon de leur constituer une carrière.


2. Des principes généraux établis sur une base constitutionnelle

Actuellement, le statut des agents est toujours réglé par le pouvoir exécutif (arrêtés). Il nous semble fondamental que le statut des agents de la fonction publique — comme dans la plupart des pays de l’Union européenne, en Suisse ou aux États-Unis — fasse l’objet d’un véritable débat démocratique et soit donc fixé par la loi.

Beaucoup de Constitutions étrangères attribuent non seulement au législateur cette compétence en matière de fonction publique, mais édictent souvent elles-mêmes des règles qui leur paraissent fondamentales.

Devraient être soumis à révision :

— l’article 107, alinéa 2 (« Le Roi nomme... aux emplois d’administration générale » ), afin d’y préciser que les principes du statut des fonctionnaires doivent être établis par la loi, le décret ou l’ordonnance.

En effet, l’interprétation actuelle de l’article 107, en faisant dériver de manière illogique le pouvoir de règlementer du pouvoir de nommer, livre le statut de la fonction publique à la discrétion du gouvernement, ce qui crée un climat d’insécurité juridique et contribue indirectement au fléau de la politisation ;

— l’article 10, dont l’alinéa 2 énonce le principe de l’égal accès des Belges aux emplois publics ; ce grand principe peut facilement être bafoué, si deux de ses conditions essentielles : le recrutement par concours et le caractère statutaire des emplois, ne sont pas réalisées. Nous souhaitons donc qu’un alinéa 3 précise que les emplois des administrations publiques sont pourvus par concours et occupés par des personnes nommées à titre définitif et soumises à un statut légal, sauf exceptions établies par la loi.


3. Des statuts établis par la loi, le décret ou l’ordonnance

À défaut d’une loi (fédérale) applicable à tous les services publics (pouvoirs locaux compris) qui permettrait de dégager des principes et des droits communs, notamment l’objectivité du recrutement et la mobilité, (condition nécessaire d’une véritable garantie de l’emploi), et éviterait une inflation règlementaire totalement stérile, le GERFA préconise au moins :

— une loi fédérale pour les principes du statut de l’ensemble de la fonction publique fédérale ;

— un statut commun aux agents des services et des personnes publiques relevant de la compétence de la Communauté française, de la Région wallonne (y compris les pouvoirs locaux) et, sinon de la Région bruxelloise, au moins de la Commission communautaire française, qui garantirait la mobilité entre eux (accord de coopération soumis à l’assentiment des assemblées ou, plus démocratiquement, délégation de la compétence normative aux parlementaires de la Communauté) ;

— une concertation, au sein de la Conférence interministérielle de la Fonction publique, sur les modalités techniques d’équivalence des grades et des échelles barémiques entre l’État fédéral et les Communautés et Régions, si l’on veut éviter un cloisonnement absolument étanche.


4. La priorité à l’emploi statutaire

Il s’impose de prohiber les recrutements sous statut précaire dans les services publics (contractuels et contractuels subventionnés) et d’abroger les dispositions légales et règlementaires qui les permettent. Trop souvent en effet, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, les autorités administratives privilégient le recrutement contractuel, ce qui ne manque pas d’interférer dans le recrutement définitif ultérieur si l’agent contractuel est lauréat d’un examen.

Il faut donner la priorité aux lauréats des concours organisés par le Secrétariat permanent de Recrutement (SELOR) et qui attendent dans les réserves de recrutement.

Pour combler les besoins de personnel, il faut enfin organiser efficacement le système de mobilité.


5. La dépolitisation commence par le sommet

Au cours des dernières années, de nombreux dysfonctionnements sont apparus dans le recrutement puisque le système des mandats permet la politisation systématique de la haute fonction publique communautaire et wallonne.


B. Le recrutement


De la qualité du recrutement dans les services publics dépend en grande partie la qualité des services qui sont rendus à l’usager.

Par ailleurs, le recrutement d’agents définitifs engage le service public dans des termes longs (parfois quarante ans pour un agent engagé à 25 ans) et pour des sommes importantes (plus de deux millions d’euros pour un agent de niveau 1).

La procédure de recrutement doit donc permettre la sélection des candidats les plus compétents et les mieux adaptés à la fonction tout en respectant le principe d’égalité, sous peine de ne pouvoir disposer des ressources humaines indispensables à un fonctionnement efficace.

1. Principe d’égalité : le concours

Seul le concours (qui implique un classement auquel l’autorité ne peut déroger, contrairement à l’examen, où elle choisit à son gré parmi les candidats ayant réussi) ouvert à tous les candidats réunissant les conditions (règlementaires) prévues est capable d’atteindre cet objectif.

Cela implique un appel public aux candidats publié au Moniteur belge et par les moyens de communication les plus appropriés. Encore faut-il que ces concours soient organisés sérieusement. Pour ce faire, il est nécessaire :

— que les concours soient organisés par un organisme public indépendant de l’autorité administrative qui recrute ;

— que les jurys de sélection soient composés de personnes extérieures à l’administration qui recrute ou en tout cas que les membres de l’administration qui recrute n’y soient pas majoritaires.


2. Comment sélectionner les plus compétents ?

Une fois acquis le principe de la sélection par concours, il s’impose que ceux-ci sélectionnent les meilleurs par des épreuves approfondies. En particulier, le GERFA insiste sur le fait que les épreuves doivent avoir un contenu précis permettant de détecter les connaissances et le savoir-faire correspondant à la fonction à pourvoir ; les épreuves ou tests psychologiques ne peuvent jouer de rôle fondamental dans une procédure de recrutement et peuvent tout au plus servir d’indication générale.

L’ensemble des services publics, donc y compris les communes, les provinces, l’enseignement, etc., doivent être soumis au principe de concours et une agence de recrutement pour ces services publics doit donc être créée.

Cela étant précisé, il est possible que les politiques, plutôt que d’étendre les compétences déjà limitées de SELOR (qui organise les examens de recrutement pour les ministères et organismes publics fédéraux, communautaires et régionaux), les restreignent encore et prennent donc une direction opposée à ce que le GERFA préconise.

C’est d’ailleurs ce qui s’est produit pendant la dernière législature, puisque le Gouvernement fédéral a remplacé le système du concours par le système de l’examen, ce qui a un effet immanquablement sur les procédures de recrutement dans les entités fédérées.

Du reste, le GERFA ne manque pas de s'interroger sur la dérive idéologique et les dysfonctionnements préoccupants de SELOR.

En cas d’abandon, pour les Régions et les Communautés, de l’obligation de passer par le SELOR pour le recrutement des agents définitifs, abandon qui semble programmé par le nouvel arrêté royal « fixant » les principes généraux, le GERFA propose la création, au niveau de la Communauté française, d’une agence de recrutement indépendante, compétente pour tous les pouvoirs publics francophones.

Cette réforme permettrait d’abord aux Francophones de ce pays de se doter d’un début d’appareil d’État et donc de renforcer la solidarité entre les diverses entités francophones en leur faisant partager un organisme commun et une philosophie de recrutement commune. Par ailleurs, il s’agit également de donner un signe, de sortir les Francophones de la politisation ambiante et de faire le pari d’une Communauté française abandonnant définitivement ses habitudes de lotissement pour en venir à un État moderne et véritablement démocratique, facteur évident d’un renouvellement de mentalité et moteur d’un redéploiement social et économique.


C. La formation


Le déficit de formation professionnelle des agents des services publics est énorme. Malgré les moyens importants qui y ont été consacrés, on ne peut s’empêcher de constater qu’on n’est jamais sorti d’un certain bricolage ambiant, fortement teinté de tourisme, faute pour l’autorité d’avoir déterminé ses objectifs et un plan d’action. Maintenant, la tendance est inversée et on voit se créer de véritables bureaucraties de formation, lourdes et complexes, adossées elles-mêmes à de multiples exigences d’examens ou de tests établis dans le cadre de la carrière.

La formation des agents, si elle est devenue une préoccupation constante pour tous ceux qui gèrent des services publics, est toutefois de plus en plus déconnectée des exigences de fonctionnement du service public et du service à l’usager. La multiplication des épreuves pour différentes fonctions devient donc une fin en soi et donne l’illusion que la promotion est subordonnée à des critères efficaces, alors qu’elle ne consiste souvent qu’en parcours du combattant peu approprié pour sélectionner les plus aptes à la fonction à pourvoir.

La formation a pour but de donner aux agents les ressources nécessaires pour assumer efficacement leurs missions ; la formation doit également rappeler aux agents les règles essentielles d’un État de droit, qui implique notamment le respect constant des principes de bonne administration et de bonne foi dans les relations avec l’usager.

Le GERFA propose donc la création d’une véritable École d’Administration qui sera chargée

1 ° de la délivrance des brevets dans le cadre du système du BARÈME-PLAN ;

2° de la formation des futurs administrateurs dans le cadre de la CARRIÈRE PROGRAMMÉE ;

3° de la délivrance des brevets de directeur de la formation (responsable de la formation dans un ministère ou un organisme public).

À côté de ces missions statutaires, l’École d’Administration assume également des missions de coordination ou d’exécution :

1° en matière de préparation aux examens de carrière ;

2° en matière de formation professionnelle.

Le GERFA estime que la formation des fonctionnaires relève de la compétence des Communautés : il demande dès lors la création de trois écoles d’administration (francophone, germanophone et néerlandophone) pour tous les fonctionnaires fédéraux, régionaux, communautaires, ainsi que pour ceux des services publics locaux (communes, provinces, etc.). Par leur capacité de sélection objective des futurs fonctionnaires généraux ainsi que par leur capacité à insuffler une véritable culture de service public, ces écoles doivent devenir la clé de voute de la réforme.

Il convient de rappeler que l’« école d’administration » créée par la Communauté française ne répond pas aux exigences émises par le GERFA (établissement indépendant, ouvert à tous les fonctionnaires francophones, assumant une politique globale de formation qui implique des programmes spécifiques adaptés aux besoins de l’administration), tant sur le plan de son organisation et de son indépendance que sur le plan de ses compétences. Il s’agit en effet d’une école d’administration-croupion, limitée à la seule Communauté française, déjà dirigée par un agent politisé, qui se borne a délivrer les brevets de direction mal construits et peu utiles, aujourd'hui abandonnés.

Si cette école peut servir de publicité au Gouvernement de la Communauté française, elle n’est guère de nature à contribuer à la promotion d’une nouvelle fonction publique efficace.


D. La carrière


1. Au niveau A (niveau 1)

Le GERFA réclame résolument un autre type de carrière pour les agents publics. En effet, les techniques anciennes de promotion ne permettaient pas de sélectionner des hauts fonctionnaires toujours compétents et imposaient à tous les degrés de la hiérarchie une politisation intense. Quant au système de mandat dans sa première phase, il n’a fait que renforcer encore la politisation des hauts fonctionnaires, tout en augmentant substantiellement leurs revenus !

Le système de mandat dans une deuxième phase ne pourra fonctionner correctement s’il n’est pas lié à l’obtention d’un véritable brevet décerné par une véritable école d’administration (voir infra et supra).

Le GERFA propose un nouveau système qui a pour objectif, d’une part, de dépolitiser les grades moyens (rangs 10 et 13), et, d’autre part, d’imposer aux futurs fonctionnaires généraux des conditions de compétence minimales.

Pour les grades moyens, le GERFA préconise l’adoption d’une nouvelle technique : le barème-plan. Le fonctionnaire ne changerait plus de grade, mais après des laps de temps déterminés, il changerait d’échelle barémique.

Ainsi, si l’on se réfère aux dénominations des grades en usage dans l’administration fédérale, le fonctionnaire commencerait sa carrière au barème A11 ; après 4 ans, il passerait au barème A21 ; après 6 nouvelles années, il passerait au barème A22 ; après 6 nouvelles années, au barème A31 et après 6 dernières années au barème A32, tout en restant à son grade d’origine (par exemple : attaché).

Il faut noter que cette réforme n’entrainera pas de frais supplémentaires, puisqu’il suffit de projeter les proportions actuelles des échelles sur les longueurs des paramètres de changement d’échelles barémiques.

Il est évident cependant que cette carrière ne devrait pas être totalement automatique. Pour pouvoir bénéficier des différents barèmes, l’agent devrait réunir une série de conditions objectives telles que présentation et défense d’un mémoire, obtention de différents brevets, etc.

Cette réforme a pour conséquences principales de « départisaner » les fonctionnaires moyens, de supprimer les systèmes de quotas par parti et de retourner à des règles simples et automatiques.

Pour les fonctionnaires généraux (chefs d’administration ou adjoints de chefs d’administration), le projet du GERFA a pour but essentiel de concilier compétence et choix politique. Il est le fait d’un double constat, d’une part que l’autorité politique veut choisir ses fonctionnaires généraux, d’autre part qu’il faut limiter ce choix à des agents compétents.

Il s’impose de créer une réelle carrière pour les fonctionnaires généraux basée sur trois axes :

1° un concours ;

2° une période de formation ;

3° des mandats de direction.

Tout agent de niveau A comptant 6 années d’ancienneté pourrait présenter un concours de capacité d’un haut niveau d’exigence.

Après ce concours, le lauréat doit suivre une année de formation organisée en Belgique par l’École d’Administration. Au terme de cette année et après réussite d’un examen, le candidat est revêtu du grade d’administrateur (barème A31). C’est uniquement parmi les administrateurs que l’autorité politique peut choisir ses fonctionnaires généraux pour des mandats limités et renouvelables, à l’issue desquels ils retrouvent leur grade d’origine.

Avantages du système :

1 ° le choix est limité à des agents qui ont acquis un minimum de compétence ;

2° par le mécanisme des mandats, les fonctions ne sont pas monopolisées pour des termes de 20 ans et plus ;

3° une collaboration plus étroite entre les fonctionnaires dirigeants et l’autorité politique permet une réduction drastique des effectifs des cabinets ministériels.


2. Aux niveaux B et C (niveaux 2+ et 2)

Trois principes doivent être respectés dans la réforme de la carrière à ces niveaux.

D’abord, il y a lieu de garantir le passage au niveau supérieur par un concours d’accession organisé par le SELOR (ou l'agence indépendante de recrutement appelée à remplacer celui-ci) et basé sur des matières utiles à la fonction.

Ensuite, un système de barème-plan doit être instauré, du barème de base aux barèmes intermédiaires.

Enfin, un examen « haut de gamme » permettant l’accès au dernier grade du niveau (grade de commandement ou de spécialisation) doit être organisé ; cet examen permettrait de sélectionner les véritables chefs de bureau dont le service public a besoin.


3. Aux niveaux D et E (niveaux 3 et 4)

Deux principes doivent être prévus dans la réforme de la carrière à ce niveau.

D’une part, il y a lieu de garantir le passage au niveau supérieur par un concours d’accession organisé par le SELOR  (ou l'agence indépendante de recrutement appelée à remplacer celui-ci) et basé sur des matières utiles à la fonction.

D’autre part, un système de barème-plan doit être instauré pour l’ensemble du niveau.


E. Le Personnel enseignant


1. Enseignants de la Communauté

Les enseignants des écoles de la Communauté doivent être recrutés par voie de concours, organisés par ou sous le contrôle d’un organisme indépendant, garantissant une sélection sérieuse et objective et permettant d’établir un classement des lauréats auquel le Ministre ne peut déroger ; les nominations à titre définitif doivent être accélérées (un délai de deux ans nous parait un grand maximum).


2. Enseignants des autres écoles publiques

Le recrutement des enseignants des écoles communales et provinciales devrait être organisé également par voie de concours et selon les mêmes principes que ceux que nous proposons pour le recrutement des agents des administrations locales et régionales.


3. Enseignants des écoles privées
 

Le paiement par la Communauté de subventions-traitements à l’enseignement privé devrait impliquer en contrepartie que les enseignants soient recrutés également par voie d’examen, qu’ils bénéficient des mêmes garanties en matière disciplinaire et de droits de la défense que leurs collègues de l’enseignement public et que leur carrière ne puisse être compromise parce qu’ils exercent des libertés constitutionnelles ou des droits civils et politiques reconnus à tous.


IV. Pour un service au public


A. Une administration accessible au public


L’accessibilité du service public doit s’entendre dans un sens large. L’accueil téléphonique ou dans les locaux du service concerné est primordial, mais n’en demeure pas moins une condition minimale de l’accessibilité si on la considère du point de vue de l’« égalité d’accès » . L’accessibilité commence bien avant le contact direct entre un usager et un service public quelconque et doit donc s’entendre comme la possibilité pour l’usager d’être le mieux servi quels que soient ses horaires de travail, son mode de déplacement ou sa mobilité.

Dans cet esprit, il convient d’encourager le recours aux méthodes modernes de transmission des documents sans déplacement de l’usager et une simplification radicale des formalités, en parlant du principe que les administrations doivent, lorsqu’il leur appartient de les établir, échanger directement entre elles les documents requis pour la constitution des dossiers au lieu d’astreindre les usagers à de multiples démarches.

À cet égard, on ne peut dire que les progrès aient été significatifs. Les administrations régionales et communautaire continuent à multiplier les demandes et n’ont guère fait preuve d’interactivité. Par ailleurs, alors que la plupart des services ont accès au Registre national, il parait inadmissible que de nombreuses administrations requièrent encore des copies d’acte de naissance du demandeur.


1. L’accueil courtois et efficace, un principe de base

Qu’il se rende sur place ou cherche à obtenir un renseignement par téléphone, l’usager des services publics est en droit de recevoir un accueil correct et aimable et d’être orienté efficacement vers le service ad hoc, le cas échéant.

Cela suppose pour les agents concernés, préposés à l’accueil et aux renseignements, une formation appropriée à l’accueil téléphonique, à la communication et/ou à la gestion des plaintes mais aussi une bonne information sur les missions des différents départements, les déménagements de ceux-ci, et ce afin d’éviter que l’interlocuteur ou le visiteur ne se retrouve, après un « jeu de piste » fastidieux, à la case départ...


2. L’adaptation des heures d’ouverture

Pour répondre aux besoins de la population, les services devraient être accessibles en dehors des heures habituelles de travail, dans des limites raisonnables et pour autant qu’il existe une demande réelle des usagers (le samedi matin, par exemple). Il serait opportun, là où cela ne se fait pas encore, de prévoir la continuité du service pendant les heures de table, de midi à deux heures.


3. L’accessibilité des lieux : pour une égalité d’accès

L’administration doit tenir compte de tous les publics auxquels elle s’adresse. Ainsi, les citoyens ou les usagers doivent pouvoir s’y rendre facilement via les transports en commun. De la même façon, les lieux devraient être rendus accessibles aux personnes à mobilité réduite.

De même, les parcages des services publics doivent être accessibles aux citoyens qui se rendent dans une administration, moyennant évidemment demande préalable.


4. Une information accessible et transparente


4.1. L’information sur le recrutement

En 2000, le Gouvernement VERHOFSTADT a supprimé l’Agenda du S.P.R. qui donnait mensuellement aux candidats à un emploi dans la fonction publique une information claire et précise moyennant le paiement d’une somme modique. Désormais, le candidat à un emploi public est contraint de consulter le site confus SELOR.be sur lequel il ne trouve pas toujours les informations utiles et surtout le programme des épreuves. Cet agenda du S.P.R. ne coutait pas très cher et représentait un instrument d’information efficace et fiable. Le GERFA propose donc de rétablir cet outil, éventuellement sous une forme électronique, en améliorant toutefois les informations qui y sont contenues (notamment sur le programme des examens) mais surtout en étendant son champ d’information à tous les services publics. Ainsi, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays, les citoyens candidats à un emploi public disposeront directement de toutes les informations utiles sur tous les recrutements envisagés dans le service public. Il est bien évident que le rétablissement de l’Agenda n’implique nullement la suppression du site de SELOR qui doit au contraire être amélioré.

À défaut d’obtenir le rétablissement de l’agenda pour l’ensemble de la fonction publique, le GERFA réclame l’édition d’un instrument équivalent pour les entités fédérées francophones et l’administration bruxelloise.


4.2. L’information légale

Par les articles 472 à 478 de la loi programme (l) du 24 décembre 2002, la diffusion du Moniteur sur papier a été supprimée et les citoyens sont priés de consulter le site Internet du Moniteur belge. Toutefois, l’édition papier ne disparait pas tout à fait puisque trois exemplaires sont toujours imprimés et sont déposés respectivement à la Bibliothèque royale dans le cadre de la loi du 8 avril 1965 instituant le dépôt légal, au ministère de la Justice et au siège du Moniteur.

Désormais, les citoyens ne sont plus placés sur un même pied et leurs possibilités de consultation et l’efficacité de celle-ci dépendront grandement de leurs moyens informatiques et donc de leur situation financière et sociale.

On peut se demander également si la publication des lois et règlements sur le site Internet du Moniteur est suffisante pour considérer qu’elle entraine dans les dix jours, sauf disposition contraire, leur entrée en vigueur, puisqu’elle nécessite un équipement informatique lourd, une connexion à débit rapide et qu’elle ne permet pas, à première vue, de prendre connaissance facilement et rapidement de l’ensemble des textes repris sur le site.

Dans la mesure où le Moniteur publie également les textes règlementaires des Régions et des Communautés, l’État fédéral a porté atteinte à leurs prérogatives et devait au minimum requérir leur avis avant de modifier le mode de publication des décrets, ordonnances et arrêtés régionaux et communautaires.

En décidant la suppression du Moniteur papier, le Parlement fédéral a manifestement pris une décision légère et inconséquente qui fragilise l’État de droit. En effet, la décision prise viole le principe d’égalité des usagers et les exigences minimales requises pour la connaissance de la loi, de même que les règles répartitrices de compétence, tout en sous-estimant les risques de fraude et de mainmise sur le système

Compte tenu des éléments développés ci-dessus, le GERFA réclame donc le rétablissement de la version papier du Moniteur qui coexistera avec la version électronique diffusée sur l’Internet.

À défaut, le GERFA réclame la publication d’un journal officiel francophone pour les textes réglementaires des Régions, de la Communauté et de la Commission communautaire française.


B. Une administration respectueuse des droits des citoyens, tant usagers qu’agents


Afin de restaurer la confiance entre l’autorité et le citoyen, il s’impose de renforcer plusieurs normes.


1. Des actes administratifs motivés

Certes, la loi du 29 juillet 1991 impose que les actes soient motivés en fait et en droit. Cette exigence légale doit cependant être mieux suivie dans son esprit. En particulier, les motivations automatiques ou non adéquates doivent être prohibées, de telle façon que le citoyen destinataire de l’acte connaisse directement ses motifs réels.


2. Le respect de la publicité

Si l’article 32 de la Constitution a établi le principe de la publicité des actes administratifs, il en a malheureusement délégué l’exécution à l’État fédéral et aux entités fédérées. Le citoyen se trouve donc confronté à une difficulté majeure : quelle est la loi, le décret ou l’ordonnance qui est applicable à sa demande de publicité ? Il ne faut pas que la publicité, qui constitue une avancée pour les droits des citoyens, se mue en piège juridique et qu’il faille consulter des juristes pour connaitre le droit applicable et la procédure à suivre pour l’obtention d’un acte administratif.

Il s’impose donc, qu’à l’instar de la motivation, un régime unique de publicité soit établi qui concerne l’ensemble des actes administratifs des autorités administratives et qu’une seule commission (mais deux sections linguistiques) d’accès aux documents administratifs soit compétente en cas de litige.

Enfin, cette commission doit disposer d’un pouvoir de décision (et non d’un simple pouvoir d’avis) et pouvoir ordonner à l’autorité administrative la communication des pièces demandées.

Notons à cet égard qu’il y a lieu de donner les moyens suffisants à cette commission pour qu’elle puisse rendre ses avis (ses décisions) à bref délai, sous peine de rendre sa saisine inutile.

Le principe de publicité, pour ne pas être une obligation purement formelle, a pour corolaires :

— l’accessibilité réelle à l’information sans formalités ni cout dissuasifs, la lisibilité des documents ;

— l’information claire et complète des usagers sur leurs droits et les voies de recours et de réclamation qui leur sont ouvertes.


C. Les autres réformes nécessaires


1. Le référendum

Il faudrait régler son compte au postulat idéologique de l’article 33 de la Constitution, qui accorde implicitement à la représentation parlementaire le monopole de l’exercice de la souveraineté : le véritable Souverain, c’est le(s) peuple(s), qui doit pouvoir se prononcer tant directement par le référendum, qu’indirectement par l’élection de ses représentants ; la présomption selon laquelle la représentation exprime de manière infaillible la volonté générale est parfois contraire aux faits.

L’institution du référendum de décision est devenue indispensable si l’on veut éviter un divorce croissant entre les responsables politiques et les citoyens, donc des dérives dangereuses pour la démocratie et les libertés : elle doit être préalable à toute nouvelle remise en question des structures institutionnelles.

Si le référendum aux niveaux local et régional est assez généralement prôné, les réactions de l’opinion publique aux dernières réformes de l’État et les débats sur le traité de Maastricht dans plusieurs pays européens montrent qu’il faut aller plus loin.

En effet, le référendum n’est pas incompatible avec le fédéralisme pourvu qu’il soit aménagé : en Suisse, une initiative populaire n’est adoptée que si elle obtient la majorité à la fois dans l’ensemble du pays et dans plus de la moitié des États fédérés (cantons) ; en Belgique, on pourrait exiger la majorité dans chacune des trois Régions. Ceci ne concerne pas les scrutins à organiser pour fixer les limites des Régions : ici, c’est, en saine démocratie, aux habitants des communes et quartiers concernés et à eux seuls de se prononcer.

En conclusion, le GERFA considère que devant la gravité de la crise de la représentation politique que connait ce pays, l’institution du référendum, sans cesse différée, doit maintenant avoir la priorité sur toute autre réforme institutionnelle et que devraient dorénavant être soumis à la ratification populaire :

1° les modifications de la Constitution et des lois spéciales de réforme de l’État, ce qui répond par ailleurs aux objections relatives à l’obsolescence de l’actuelle procédure de révision constitutionnelle ;
2° les traités visant à élargir l’Union européenne ou à en modifier les institutions ;
3° les lois civiles et pénales qui règlent les problèmes communément qualifiés d’« éthiques » et qui ont pour enjeu le statut et les droits fondamentaux des personnes.


2. Une véritable Cour constitutionnelle

Le GERFA opte clairement pour la création d’une Cour constitutionnelle, au-delà de l’élargissement des compétences de la Cour d’arbitrage au contrôle du respect des droits énoncés au titre II et des dispositions fiscales de la Constitution.

Une véritable Cour constitutionnelle doit :

— avoir une compétence générale en matière de contrôle de constitutionnalité des lois et décrets, et donc être aussi la gardienne du respect des règles démocratiques (par exemple, en matière de délégations du pouvoir législatif par des lois-cadres ou de pouvoirs spéciaux, ou de conformité des traités internationaux à la Constitution avant leur ratification) ;

— être investie du contrôle de régularité des élections législatives et de la vérification des pouvoirs des membres des assemblées parlementaires, nul ne devant être juge en sa propre cause ;

— être composée exclusivement de magistrats professionnels, issus de préférence de la Cour de cassation et du Conseil d’État. La jurisprudence de la Cour d’arbitrage, qui considère que le fait, pour un de ses membres, d’avoir pris part antérieurement au vote d’une loi déférée à sa censure, ne constitue pas en soi une cause de récusation, ne peut que renforcer le bien-fondé de cette exigence.

Il faudra par contre veiller à endiguer le recours aux questions préjudicielles, voire remettre ce mécanisme en question, car certains plaideurs en abusent manifestement pour empêcher que justice soit rendue dans des délais raisonnables et accroitre le cout des procès.


3. Les juridictions administratives

La prise de conscience par le citoyen de ses droits a entrainé une augmentation du volume du contentieux administratif qui se trouve dès lors confronté à un double défi :

— absorber et régler une masse de litiges toujours plus importante ;

— rendre la justice dans un délai raisonnable.

Le contentieux administratif est émietté entre, d’une part, une série d’organes juridictionnels souvent peu connus et peu accessibles (députation permanente, commissions diverses), et dont l’impartialité n’est pas toujours garantie, et, d’autre part, le Conseil d’État. Enfin, il faut regretter que le Conseil d’État devient de plus en plus lent et ne garantit plus au citoyen le droit de voir son affaire jugée dans un délai raisonnable.

Pour résoudre ces différents problèmes, le GERFA propose la création d’un système cohérent de juridictions administratives.

Afin de réduire l’encombrement du Conseil d’État, il propose de limiter sa compétence de juridiction aux actes règlementaires émanant des autorités administratives fédérales, communautaires et régionales et aux recours en cassation dirigés contre les décisions des juridictions administratives du 1er degré.

Par ailleurs, il propose la création de juridictions administratives du 1er degré (une par province) compétentes en matière de recours contre les actes individuels et contre les actes règlementaires des autorités locales, à l’exception des litiges relatifs aux communes à statut spécial, qui doivent relever de chambres bilingues du Conseil d’État.

Cette réforme devrait avoir des effets importants sur la gestion du contentieux, mais ne permettra pas d’éviter à terme un renforcement des moyens du Conseil d’État.

Ce dernier devra faire l’objet d’un audit sérieux pour remédier à des défauts manifestes d’organisation. Par ailleurs, la loi devra lui imposer des délais précis pour traiter les affaires : en particulier, un délai devra être prévu pour le dépôt du rapport de l’auditeur de même que pour la communication des arrêts, après que les débats ont été déclarés clos.

La création des tribunaux administratifs ne représente cependant pas la panacée et l’arriéré n’est pas le seul mal dont souffre le Conseil d’État. Alors que le pouvoir judiciaire a fait l’objet d’une réforme profonde pour objectiver les nominations de magistrats, le même travail n’est même pas amorcé en ce qui concerne le Conseil et il parait aller de soi que les magistrats du siège soient tous politisés sans que personne ne semble s’en émouvoir.

La aussi, un travail doit être fait pour dépolitiser les nominations au Conseil d’État et la piste suivie par le pouvoir judiciaire mérite surement d’être analysée. Certains rétorqueront que la politisation des magistrats n’a pas d’influence sur leur façon de juger. Si, pour la plupart, ce principe est vrai, d’autres jugent parfois politiquement, surtout quand l’intérêt de leurs protecteurs est en jeu ou quand le requérant déplait.

L’auditorat n’est pas non plus sans tache. Même si ses membres sont recrutés par concours, on peut s’étonner que ce soit le Conseil d’État lui-même qui organise seul les épreuves et que les magistrats politisés jouent donc un rôle important dans la sélection des candidats. La aussi, il y a matière à réfléchir et il serait souhaitable d’associer des experts extérieurs à l’organisation du concours.


V. Bilan


Si l’objectif poursuivi par les décideurs politiques est bien d’apporter des changements conséquents au fonctionnement du système dans sa logique actuelle, il est difficile d’imaginer que l’on puisse y parvenir en faisant l’économie d’une refonte de la fonction administrative en vue de la dépolitisation de ses rouages. La réforme préconisée par le GERFA est donc un élément capital, sinon le véritable levier du changement.

La politisation des administrations est dénonçable non seulement parce qu’elle est contraire au principe d’égalité, mais aussi parce qu’elle est à l’origine de perturbations qui ont pour effet pervers de desservir plutôt que de servir les citoyens dans leurs rapports avec la fonction publique.

Qu’il soit envisagé en sa qualité d’usager des services publics, d’employé de la fonction publique, ou encore de contribuable, aucun citoyen ne profite sur tous les plans du système parallèle en vigueur. Tout interlocuteur des acteurs publics ne peut en effet retirer qu’un bénéfice illusoire et limité de rapports privilégiés qu’il entretiendrait avec eux comme « client ».

Les interactions entre les deux pôles que sont la fonction publique et le monde politique peuvent prendre de multiples formes.

Dans un tel système, la « gestion des ressources humaines » est la plupart du temps basée sur des considérations liées au pouvoir et non nécessairement liées aux compétences des individus ou à leur mérite. Aucun poste stratégique, par exemple, ne se voit confié à un agent qui en aurait les compétences sans en avoir en même temps le « droit politique » . Les motivations qui président à l’engagement, la promotion ou tout autre aspect de la gestion du personnel conduisent dès lors à des organigrammes dénués de sens et de pragmatisme. Les avatars de la dernière réforme sont à cet égard révélateurs.

Cette incohérence interne trouve son pendant à l’échelle du vaste organigramme de la fonction publique, dans le manque de coordination entre institutions, parastataux, ministères, et autres instances publiques. Nombre de regroupements ou éclatements de services, départements ou ministères ont bien souvent pour toile de fond des conflits d’intérêts ou de compétences imperceptibles pour le profane. Il arrive par exemple que des dispositifs entiers soient mis en place dans le seul but d’en contrecarrer d’autres qui ont bien sûr les mêmes missions.

Ce ne sont pas les seuls exemples de gaspillage de ressources. En effet, dans la mesure où la logique partisane domine un système qui par ailleurs est soumis à des obligations et au respect de procédures, elle oblige les agents de la fonction publique, qu’elle soumet à sa volonté, à consacrer une part parfois considérable des ressources dont ils disposent à la couverture de leurs agissements.

La temporalité propre à chacun des deux pôles susmentionnés constitue un autre élément de déstabilisation des administrations. D’une part, la gestion du temps au sein des administrations, rythmée par les urgences politiques clientélistes ou autres, peut empêcher à certains moments toute planification même à moyen terme. D’autre part, la période préparatoire aux élections, qui dure en vérité au moins un an, correspond à un « gel » de certaines administrations qui sont le point de chute des cabinets ministériels, les places bloquées ne faisant pas l’objet de remplacements comme il se devrait.

Ainsi, certaines administrations hautement stratégiques sont véritablement en état de siège. Elles sont le lieu de combats décidés, délibérés, marchandés, ailleurs, sous le nom propre de négociations, par les stratèges que sont les membres des cabinets ministériels. Elles apparaissent alors comme « décentrées » , car dépossédées des moyens et du pouvoir qui leur permettraient de remplir leurs missions initiales, elles tournent sur elles-mêmes sans plus beaucoup de contacts avec la réalité qui les entoure.

Il est paradoxal que l’organisation des administrations soit basée, et leurs priorités établies, en fonction d’impératifs qui sont la plupart du temps étrangers à la volonté de service au public et de satisfaction du citoyen. Cette intrusion du politique dans la vie administrative se fait souvent au nom du principe qui veut que la fin justifie les moyens. Mais de quelle « fin » s’agit-il, quand on sait que les « moyens » représentent un tel cout pour la communauté en termes de manque à gagner au niveau du service à la population mais aussi de gaspillage des ressources provenant du contribuable ?


Conclusion


Que l’action de l’administration publique soit étroitement soumise au contrôle du pouvoir politique est normal dans un État démocratique, où le pouvoir est en principe exercé par les représentants élus du peuple et non par des technocrates. L’administration doit appliquer avec loyauté et dans le respect des lois les décisions prises par les exécutifs, dont elle constitue en quelque sorte le « bras armé » .

Toutefois, ce contrôle démocratique ne peut s’exercer efficacement s’il y a confusion entre les pouvoirs. Or, telle est bien la situation actuelle. En plaçant leurs affidés à tous les niveaux des services publics, les partis politiques ont fait de la fonction administrative leur chasse gardée. Ils ont ainsi contribué à mettre en place un système où la ligne de démarcation entre le politique et l’administratif est devenue de moins en moins visible, se qui, paradoxalement, rend en fait illusoire le contrôle du second par le premier. Le fonctionnaire dit « politisé » , devrait plutôt être qualifié de « politicien fonctionnarisé » qui, à titre bien sûr officieux, occupe au nom de sa formation politique un emploi public, souvent à titre définitif.

Outre son déficit démocratique, la confusion entre les sphères politique et administrative a un autre effet pervers : elle compromet gravement le rôle de conseil et d’assistance que l’administration doit jouer auprès du pouvoir politique dans la réalisation de ses objectifs. Cette mission d’expertise devient en effet problématique à partir du moment où les chefs d’administration agissent eux-mêmes en « politiques » plutôt qu’en techniciens.

Le citoyen-électeur-contribuable est dès lors confronté à un système politico-administratif sur lequel il n’a plus guère de prise et que les Gouvernements régionaux et communautaire ont considérablement renforcé en désignant à la tête des administrations régionales et communautaire des mandataires hyperpolitisés et en recrutant des milliers de contractuels.

Les réformes proposées par le GERFA ne visent donc pas uniquement à améliorer le fonctionnement de l’administration au sens strict.

Leur enjeu est beaucoup plus fondamental : l’exercice de la démocratie elle-même.


Deuxième partie : une autre Europe